Les agriculteurs français sont en colère et le font savoir. Depuis jeudi, ils multiplient les actions de protestation dans plusieurs régions, notamment dans le sud-ouest du pays, où ils bloquent des routes et des autoroutes. Ils dénoncent la hausse des coûts de production, les normes environnementales jugées trop contraignantes et le manque de reconnaissance de leur métier. Mais ils ne sont pas les seuls à exprimer leur mécontentement. Partout en Europe, des mouvements similaires ont lieu, qui menacent de prendre de l’ampleur et d’entraîner une crise agricole majeure. Face à cette situation, le gouvernement français tente de calmer le jeu et d’apaiser les tensions, alors que se profilent les élections européennes.
Une colère qui gagne du terrain
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il semble s’amplifier ces derniers jours. Les agriculteurs français se sentent abandonnés par les pouvoirs publics et maltraités par la société. Ils réclament une meilleure rémunération de leur travail, une simplification des normes sanitaires et environnementales, une protection contre la concurrence déloyale et une valorisation de leur rôle essentiel dans l’alimentation et le maintien des territoires ruraux. Pour se faire entendre, ils n’hésitent pas à recourir à des actions coup de poing, comme le blocage des routes, l’envahissement des préfectures ou la destruction de bâtiments publics.
Voici une vidéo relatant ces faits :
Mais les agriculteurs français ne sont pas les seuls à manifester leur ras-le-bol. Dans plusieurs pays européens, des mouvements similaires ont lieu depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. En Allemagne, des milliers d’agriculteurs ont défilé dans les rues de Berlin pour protester contre un projet de hausse des taxes sur le gazole agricole, qui pourrait augmenter leurs coûts de production de 30 %. En Pologne, des centaines d’agriculteurs ont bloqué les routes pour demander une augmentation des prix du lait et de la viande. En Roumanie, des milliers d’agriculteurs ont manifesté devant le Parlement pour réclamer une aide financière face à la sécheresse qui a ravagé leurs récoltes.
Une crise agricole aux multiples facettes
Si les sources de mécontentement diffèrent selon les pays, les agriculteurs européens partagent un sentiment commun : celui d’être victimes d’une crise agricole aux multiples facettes, qui met en péril leur avenir et celui de leurs exploitations. Cette crise est à la fois économique, sociale et environnementale.
Sur le plan économique, les agriculteurs font face à une baisse constante de leurs revenus, due à la volatilité des prix sur les marchés mondiaux, à la pression des distributeurs et à la concurrence internationale. Selon Eurostat, le revenu agricole moyen dans l’Union européenne a baissé de 6 % entre 2018 et 2020. En France, il est inférieur au seuil de pauvreté pour près d’un tiers des agriculteurs.
Sur le plan social, les agriculteurs souffrent d’un isolement croissant et d’un manque de reconnaissance de leur métier. Ils sont confrontés à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, à un vieillissement de la population agricole et à un déficit d’installation des jeunes. Ils subissent également une stigmatisation croissante de la part d’une partie de l’opinion publique, qui les accuse de polluer l’environnement, de maltraiter les animaux ou de produire une alimentation malsaine.
Sur le plan environnemental, les agriculteurs sont confrontés aux effets du changement climatique, qui affecte leurs productions et leur rendement. Ils doivent également s’adapter aux exigences croissantes des consommateurs et des pouvoirs publics en matière de transition écologique, qui impliquent une réduction de l’usage des pesticides, des engrais, des antibiotiques ou des émissions de gaz à effet de serre. Ces contraintes représentent un défi, mais aussi une opportunité, pour les agriculteurs qui souhaitent s’engager dans des pratiques plus durables et plus respectueuses de l’environnement.
Une inquiétude grandissante au sein de l’exécutif français
Cette colère des agriculteurs, qui s’étend à l’échelle européenne, inquiète le gouvernement français, qui craint qu’elle ne dégénère en un mouvement social d’ampleur, à l’image des gilets jaunes en 2018. Le président Emmanuel Macron a demandé aux préfets d’aller à la rencontre des agriculteurs dès ce week-end, pour écouter leurs revendications et tenter de les apaiser. Il a également promis de réduire les normes inutiles qui pèsent sur le secteur agricole et de soutenir la compétitivité des exploitations.
Mais ces mesures seront-elles suffisantes pour calmer la grogne ? La FNSEA, le principal syndicat agricole français, étudie la possibilité d’un grand mouvement de protestation dans les prochaines semaines, qui pourrait prendre la forme d’une grève du lait ou d’une opération escargot sur les routes. Le syndicat réclame notamment une revalorisation des prix payés aux producteurs, une révision de la loi Egalim sur les relations commerciales entre agriculteurs et distributeurs, et une harmonisation des normes environnementales au niveau européen.
Cette mobilisation pourrait avoir des conséquences politiques, à quelques mois des élections européennes. Le vote agricole est traditionnellement favorable à la droite et au centre, mais il pourrait basculer vers l’extrême droite, qui tente de récupérer le mécontentement des agriculteurs. Le président du RN, Jordan Bardella, s’est déjà emparé du sujet, réclamant un « état d’urgence » pour le secteur agricole. Le gouvernement devra donc faire preuve de pédagogie et de dialogue pour éviter que la colère des agriculteurs ne se transforme en un vote sanction.